PROGRAMME 2024
Du 7 au 24 NOVEMBRE 2024
SIÈGE PRINCIPALE
SPONSOR
COLLABORE
10 FESTIVAL CINEMÍSTICA: 2024 RITES, MYTHES ET QUOTIDIEN
Même si le chiffre 10 pourrait nous inviter à considérer l'actuelle édition 2024 comme un anniversaire exceptionnel (ce qui est le cas, du moins en raison du caractère improbable de la continuité du festival), chez Cinemística nous préférons éviter tout sentiment de complaisance et continuer pour nous occuper, sans plus tarder, de l'état actuel du cinéma, du merveilleux cinéma anthropologique, du cinéma libre, du cinéma réalité, du cinématographe tourné directement et de manière critique vers les frontières du monde extérieur et intérieur.
Ainsi, en plus des sections compétitives habituelles de Cinemística (1), Cinéma anthropologique (2), Écoles de cinéma (3) et Cinéma pour enfants (4), comme chaque année, une section compétitive spéciale est proposée, cette fois sous le thème : Mythes , Rites et quotidien (5).
La vie quotidienne n'est pas dénuée, lorsqu'elle est consciente, d'une infinie diversité de procédures formelles répétitives, de rites, souvent étonnants, liés consciemment ou inconsciemment à l'imagerie et à la symbolique personnelle et collective des mythes. Nous ne parlerons de mythologies que lorsque les mythes sont contraignants pour une certaine société.
Éloge de la diversité, certaines choses du quotidien sont admirées, d’autres tolérées, et certains sont contraints de résister en se cachant, par une logique de survie. Ce fut par exemple le cas des Maures de Grenade au XVIe siècle. Aujourd’hui, près de 500 ans plus tard, il existe malheureusement encore des conflits similaires dans notre monde, si possible encore plus douloureux car anachroniques et absurdes.
Habitué de la dystopie, dans nos sociétés occidentales l'usage des réseaux sociaux configure un quotidien aussi faux qu'hégémonique et actuel, dans une mosaïque souvent agressive et perverse de banalités voyeuristes, qui rappellent Georges Perec, lorsqu'en 1978 il évoqué dans son roman « La vie : Mode d'emploi » : « J'imagine un immeuble parisien dont la façade a disparu (...) pour que, de la mezzanine aux combles, toutes les pièces en face soient visibles instantanément et simultanément."
Déjà en 1944 Georges Bernanos parlait de la dictature de la technologie, et notre cinéaste admiré Jean-Marie Straub, que nous avons honoré lors de la dernière édition du festival, consacrait à ce sujet son dernier film : « La France contre les robots » (2017).
Que faire alors face à la pression de la proposition médiatique dominante qui, sous l'apparente innocence du téléchargement continu et obligatoire d'applications, inclut la soumission quotidienne de l'humanité à une dictature renouvelée et globale de la technologie ?
Peut-être vaut-il la peine de considérer aujourd'hui l'importance accrue de la vie quotidienne révolutionnaire, comme une rébellion quotidienne silencieuse menée par l'individu. Par chaque individu, par les gens, chacun pour ses propres raisons et avec son style personnel, avec audace, discrétion et diverses espiègleries. Ces micro-révolutions intimes, même secrètes (ce sont les meilleures), lorsqu'elles sont exercées rituellement et quotidiennement, peuvent transmettre un respect, une vérité et une attention profonde au réel le plus proche, à ce qui est proche d'un point de vue opérationnel, sans perdre le sens holistique de l'universel.
Le fait que le film de Chantal Akermann « Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles » (1976), mettant en scène le quotidien d'une mère prostituée, ait récemment été primé par l'une des associations de critiques de cinéma les plus influentes au monde (Sight & Sound), comme le meilleur film de l’histoire, doit être considéré comme un indicateur du sentiment collectif de nécessaire retour cinématographique au quotidien et à ses rituels. Une option louable de notre point de vue, confronté par chimérique à celui de la consommation dominante et insatiable d’excentricités audiovisuelles.
Dans l'histoire du cinéma ethnographique, l'attention portée aux rituels, aux mythes et à la vie quotidienne a toujours permis, tant d'un point de vue anthropologique que simplement humain, un potentiel de créativité artistique dans le regard du cinéaste. L'anthropologue et père du « cinéma-vérité » Jean Rouch, dans sa « Chronique d'un été » (1961), proposait avec Edgar Morin qu'une telle ethnographie pouvait éviter la tentation du sentiment exotique et colonial, pour se situer de manière très intéressante dans notre propre pays. contexte social urbain, dans notre apparente normalité.
Le dispositif de projection collective de films, à lui seul, constitue sans doute le dernier grand rite occidental, à l'impunité en voie d'extinction : Un groupe de spectateurs, inconnus les uns des autres, se rassemblent dans une salle obscure, en silence. Bientôt un rayon de lumière passe au-dessus d'eux, dans l'espace tantrique de la salle de cinéma, au-dessus de leurs têtes : c'est alors que ladite lumière projette sur une toile, d'abord blanche et qui quelles que soient ses dimensions deviendra immense, les rêves d'un démiurge. (le cinéaste) devient réalité. Après ce rituel collectif (avec ou sans discussion de type cinéma-forum), tous les participants retourneront vers le monde extérieur, que nous trouverons peut-être modifié, puisque nous aussi.
Il faut aussi rappeler ici que la vie quotidienne est l'une des étapes décrites par l'ouvrage référentiel de Paul Schrader (1974) sur le style du cinéma transcendantal chez Ozu, Bresson et Dreyer. Un quotidien qui nous parle et nous interroge, et même surprend, dans le même sens que nous disait l'alchimiste du cinéma grenadin Val del Omar en 1954, lorsqu'il affirmait que « l'extraordinaire se trouve dans l'ordinaire »..
Pour toutes ces raisons et d'autres que nous découvrirons au cours du développement du festival, en ce 2024 Cinemística choisit de se placer à l'arrière de l'avant-garde cinématographique du cadre des festivals internationaux, un peu dans le sens où Alice Letoulat a récemment mis en lumière dans son étude « Archaïsme et impureté » (2022) sur le cinéma de Paradjanvov (cette année c'est son centenaire), Pasolini et Oliveira.
Une arrière-garde passionnante car, sans cesser d'appartenir à notre monde/époque, par définition avant-gardiste, nous ne souhaitons pas participer à son actualité dévorante, mais plutôt vivre un peu arriéré, dans l'innocence de l'enfance, et dans celui d'un monde en voie de disparition, qu'il faut tenter de retenir et d'exprimer poétiquement. Comme disait Sartre à propos de Baudelaire : « Avancez le plus possible en reculant, sur la banquette arrière d'une voiture qui nous emmène, en essayant de fixer notre regard d'avant en arrière, sur la route qui nous éloigne. »
Même si par convention académique on nous enseigne qu'il y a eu un « passage du mythe au logos », le mythe n'a jamais quitté et continue d'accompagner les êtres humains. La convention selon laquelle la Philosophie est née du « passage du mythe au logos » implique un point de vue eurocentrique sur ce qui est considéré comme rationnel, qui a imprégné toute la pensée occidentale avec des conséquences tragiques pour d’autres cultures. Cependant, d'une certaine manière, les mythes continuent de nous fasciner au-delà d'une vie mécanisée et commercialisée à l'extrême, avec un certain caractère balsamique qui réconforte et connecte avec cette part humaine des passions, des rêves, des désirs, de la fantaisie, du mystère, du mystique, du inexplicable ou indicible de l’histoire existentielle.
Nous vous invitons donc à présenter vos films à la 10ème édition du Festival Cinemística – 2024 Mythes, Rites et Vie Quotidienne, en vous garantissant un regard absolument attentif et respectueux de la part du comité de sélection envers toutes les œuvres candidates.
La 10ème édition du Festival Cinemística continuera à se dérouler uniquement en personne, avec d'abondantes discussions avec des réalisateurs invités et des spécialistes, toujours ouverts à l'intervention des spectateurs. Nous sommes tous convaincus qu’en partie la survie vers l’avenir de l’humanisme de notre espèce doit s’accompagner de la conservation du rituel cinématographique et du mythe des projections collectives.
2024 Rites, mythes et quotidien - Nous célébrerons le centenaire de Paradjanov